L’économie collaborative devient un sujet d’intérêt sérieux pour le ministère de l’économie du Québec. Au cours des dernières années, le gouvernement du Québec a dû réagir à l’arrivée d’entreprises dites collaboratives, qui ont notamment frappé l’industrie des taxis et l’hôtellerie. Ce qu’il y a d’intéressant dans cette nouvelle économie, c’est entre autre que nous pouvons obtenir les uns des autres des produits et services que nous désirons au lieu de faire affaire avec des marques établies, et qui étaient auparavant notre seule option. Dans bien des cas, la fluidité de la plateforme dans l’acte d’achat l’emporte sur les offres dites « traditionnelles ».

L’économie collaborative n’est en fait pas si « nouvelle ». Elle existait bien avant l’arrivée d’Internet. S’échanger des biens ou des services est une activité assez courante. Covoiturage, petits travaux, vente ou échange de biens usagés, location de résidences… C’était une activité (ou une économie) invisible et peu organisée. Elle est passée du bouche à oreille aux plateformes collaboratives en passant par un modèle associatif, les petites annonces, puis aux forums thématiques. Mais le numérique a non seulement organisé l’économie collaborative, mais elle en a fait également un phénomène de masse accessible à tous.

Selon les résultats du Baromètre de la consommation responsable, les Québécois sont séduits par l’économie de partage. Certaines pratiques connaissent un grand succès, notamment l’utilisation de plateformes Internet entre particuliers (par exemple, Kijiji ou Les PAC) pour acheter, vendre, recevoir ou donner des objets usagés (44,9 % des répondants l’ont fait au cours des 12 derniers mois). Également, 19,3 % des Québécois ont utilisé des plateformes internet entre particuliers afin d’offrir des services à d’autres particuliers comme le logement, le covoiturage, le cojardinage ou le financement participatif.

il faut aussi accélérer la transition numérique des sociétés de services

Nous sommes face à une tendance de fond, où numérique rime à la fois avec opportunité, mais aussi avec menace. Il s’agit d’en prendre le meilleur parti et d’accompagner la transformation de l’économie. Dans un monde ultra connecté en constante évolution, aucun modèle d’affaires ne peut être tenu pour acquis, et la concurrence peut venir de partout et de manière très rapide. Pour demeurer pertinentes dans le monde actuel, les entreprises doivent tenir à jour leur modèle d’affaires et leur proposition de valeur, au risque de voir les acteurs de l’économie collaborative venir prendre des parts de marché plus ou moins importantes. In fine, celui qui décide, c’est le consommateur, c’est donc vers lui qu’il faut s’orienter. Car il n’est pas question uniquement de prix, mais aussi d’usage. La présence et l’arrivée des plateformes est un fait. Il convient aux entreprises « traditionnelles » de faire évoluer leur modèle en intégrant le numérique ainsi que l’évolution des usages afin de rester dans la course. Oui, il faut un cadre pour les plateformes (ou plus largement sur l’économie des petits boulots). C’est d’ailleurs ce qu’a commencé à faire le Groupe de travail sur l’économie collaborative (GTEC) à travers son rapport intitulé « Comprendre. Encadrer. Accompagner », mais il faut aussi accélérer la transition numérique des sociétés de services afin d’éviter les prochaines migraines…

Les entreprises doivent profiter de cette occasion pour véritablement transformer les processus de travail et définir un nouveau modèle d’affaires

Si les plateformes se développent de plus en plus c’est aussi pour combler un manque. Il est en effet plus facile et plus rapide d’engager les consommateurs dans de nouveaux usages que d’engager les sociétés traditionnelles dans le numérique. Pourtant la technologie n’est plus aujourd’hui l’élément bloquant. Elle est abondante, disponible, souvent abordable et facile à acquérir. Mais alors qu’est ce qui empêche donc les entreprises d’en tirer parti pour se transformer ? Notre expérience de 12 ans dans le secteur des services à la personne nous montre qu’il n’y a pas de véritable frein à l’adoption du numérique, la difficulté se trouve principalement dans le projet de transformation et la compréhension de l’impact du numérique sur son secteur. Finalement la première question à se poser n’est-elle pas « Souhaitez vous prolonger le présent ou construire l’avenir (avec le numérique)? En effet nous pouvons utiliser des logiciels pour gagner un peu de vitesse, mais les gains sont logiquement moindres qu’espérés et cela n’a que peu d’impact sur la compétitivité dans la mesure où nous faisons la même chose mais un peu plus vite. Il ne s’agit donc pas uniquement d’améliorer le présent mais d’imaginer l’avenir. Les entreprises doivent profiter de cette occasion pour véritablement transformer les processus de travail, définir un nouveau modèle d’affaires et se doter de nouvelles compétences.

Il nous semble important également d’accompagner de façon ciblée et adaptée les différents secteurs d’activités et imaginer les futures tendances pour chacun d’entre eux. La transformation numérique des entreprises ne peut être un but en soi. Il faut une vision, un projet, une stratégie pour en déduire et mettre en œuvre les changements nécessaires. Il nous faut avoir une autre vision du numérique. Être dans l’action plutôt que dans la réaction.

Depuis plusieurs années par exemple, chez Ogustine, nous pensons que le commerce en ligne de services est l’avenir des sociétés de services à la personne. Certaines plateformes commencent déjà à voir le jour, sans parler d’Amazone Home Services qui connait déjà un succès fulgurant chez nos voisins Américains. Il est d’ailleurs fort probable (pour ne pas dire certain) que cette offre sera disponible dans d’autres pays et cela se fera au détriment des sociétés traditionnelles locales. À ce titre, le secteur des services à la personne est sans doute l’un des rares secteurs où les revenus issus des transactions en ligne bénéficieront à 100 % à l’économie locale, contrairement au commerce de détail dont encore une grande partie est effectuée en dehors du territoire. Il est donc important d’avoir des acteurs locaux prêts à se lancer dans l’aventure.

Les services à la personne au Québec, un potentiel sous exploité

Mais les services à la personne souffrent d’un déficit d’image, ils ne sont pas un véritable secteur. Du moins pas encore. C’est pour le moment une construction socio-économique qui mérite d’être consolidée, organisée et mise en avant par les pouvoirs publics. Je ne peux que remarquer son absence dans le plan numérique du Québec, mais il n’est jamais trop tard!

Le potentiel du secteur des services à la personne est encore largement sous exploité aux Québec. Il peut pourtant avoir un impact positif et rapide aussi bien d’un point de vue économique (emploi et formation de personnels peu ou pas qualifiés) que sociétal. Gardons à l’esprit qu’à l’heure actuelle seuls 4,7 % des besoins sont comblés par le réseau socio-sanitaire québécois et que les besoins vont exploser d’ici 2030 car le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus au Québec passera de 17% actuellement à 25% en 2030 (selon les chiffre de l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques).